Ça et là apparaissent sur la Toile des cartes qui revisitent des thématiques a priori banales sous un angle d'approche assez insolite.
Dans ce billet de début d'année, nous en listerons quelques-unes avant de nous attaquer à la réalisation d'une carte qui soulève les océans et immerge les montagnes.
Attention, tout ce qui suit ne doit pas toujours êtres pris au premier degré.
Petit cabinet de curiosités cartographiques
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Le problème, c'est que quand on met la carte dans le "bon" sens, le texte est à l'envers |
Tout d'abord, présentons des cartes où les pôles sont inversés, le pôle sud en haut et le nord en bas, à l'image de cette carte de l'australien Stuart
MacArthur. Ce n'est pas parce que ce monsieur s'est pris un boomerang sur la tête que l'idée lui a pris de représenter le monde de cette manière. C'est sans doute afin de
partager avec ses concitoyens australiens une vision commune de son pays positionné au centre du monde.
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L'Afrique, si elle avait échappé à la colonisation |
Généralement, pour nous, ce qui est situé en haut a plus de valeur, car plus proche du divin : "Pourquoi s'abaisser à faire ceci ?", "Quelle bassesse !", "C'est de la musique de bas étage", "Aller plus haut" comme disait
Tina Arena.
Par un jeu de chaises musicales,
cette carte assez radicale de l'Afrique permet de
remettre en question la place hégémonique des pays du Nord sur les cartes en occupant un espace toujours réservé. Rappeler la grandeur de l'Afrique, faire un pied-de-nez à l'omnipotence du Nord, sont les objectifs poursuivis par l'artiste suédois à l'origine de cette carte.
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Mercator, c'est une sorte de miroir amincissant pour les pays du Sud |
La carte ci-dessus compare deux systèmes de projection. Des choses intéressantes se produisent quand on passe de l'un à l'autre. On voit que Mercator écrase les pays de l'Hémisphère Sud. C'est un peu "Pousse-toi, que je m'y mette !". Si Mercator rend beaucoup service aux navigateurs, les projections qui conservent les surfaces comme celle de Peeters ont d'autres qualités : comme elles ne conservent pas les angles, elles accroîtraient la mixité des populations en faisant s'échouer les marins un peu partout. Elles sont donc égalitaires en tous points.
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Au cas où vous aimeriez mener une vie d'ermite en Amérique |
Cette carte s'attache à présenter
les endroits, aux USA, qui ne comptent aucun habitant. Ici, on renverse les codes de la cartographie où l'on présente en général des quantités importantes en premier lieu. Et pourtant, si l'on considère que le vide est quantifiable, cette façon d'aborder les choses gagne en cohérence.
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Carte de l'abstention (lors des élections régionales) |
Et puis, il n'y a pas si longtemps que ça, après le flot usuel de cartes des élections régionales, sont arrivées des
cartes de l'abstention et du vote blanc. Ces cartes qui mettaient en lumière un mouvement invisible, étaient aussi intéressantes que les cartes usuelles, notamment car elles ont pu montrer là où les électeurs s'étaient le plus mobilisés. Comme quoi l'on part d'un inverse pour revenir à l'autre. Au milieu de tous ces retournements infographiques, avouez qu'il y a de quoi perdre la tête.
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Quitter le plancher océanique pour mettre un pied sur le fonds continental |
Assez insolite, il y a aussi cette carte du monde où l'auteur a choisi d'
inverser le relief. Les océans dominent alors les continents qui deviennent de vastes lacs. Cette carte, par son point de vue original, parvient à capter l'attention sur le sujet assez banal qu'est la bathymétrie.
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retournement de cerveau |
On voit que l'inversion peut être traitée de deux façons différentes : soit elle s'attache à la
thématique en présentant l'opposé de ce que l'on est censés représenter (par exemple l'abstention versus le vote), soit elle s'attache au
graphisme en affectant des codes graphiques inconventionnels à ce que l'on veut illustrer (comme associer la couleur de zones urbanisées à des endroits vides de population). L'approche la plus radicale consiste finalement à représenter de façon inversée l'inverse de ce l'on veut représenter. Est-ce que vous me suivez ? Parce que moi je ne suis pas sûr de me suivre moi-même.
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Platon était parfois renversant |
Selon moi, l'objectif de ces représentations originales est double. D'une part,
on révèle des patterns insoupçonnés en explorant les antipodes ce que l'on était censés rechercher. On cible les outliers, tout ce qui échappe à la trajectoire moribonde d'une régression linéaire. On attire l'attention du public sur des sujets méconnus.
D'autre part, elles permettent de
démontrer quelque chose par un raisonnement assez proche de celui par l'absurde. Par exemple, pour arguer à quelqu'un à quel point les océans sont profonds, l'on serait tentés de les transposer en montagnes. Afin de mettre en évidence les zones peu peuplées, on renverse les codes sémiologiques en utilisant les couleurs habituelles des zones peuplées pour les figurer.
Et si l'on inversait la bathy ?
La carte où l'altitude de la planète avait été inversée m'a inspiré. J'ai tenté de la reproduire.
Je me suis procuré la donnée
ETOPO1 du NOAA (National Oceanic and Atmospheric Administration, institution comparable à notre Météo France) qui combine à la fois la bathymétrie et l'altimétrie en tout point du globe avec une résolution d'un degré (environ 100km).
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Le monde avec le relief inversé |
J'ai fait ma tambouille avec
GRASS-GIS pour inverser l'altitude, rien de compliqué. Voici, ci-dessus, ce que j'ai obtenu. La rampe de couleurs est conçue de telle manière qu'elle puisse évoquer successivement les grands fonds, les lagons, des plages, des falaises blanches de calcaire, du sol nu, de la forêt, et enfin, des sommets enneigés.
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Le monde inversé avec un relief inversé |
Si je vous avais présentés la carte avec le Sud en haut, soit le monde inversé avec le relief inversé, la sensation devient radicalement différente. Déboussolé, on a peu d'éléments sur lesquels se raccrocher : "on a perdu le Nord"
Voici ci-dessous des rendus générés grâce au plugin
QGIS2ThreeJS :
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Du côté de chez nous |
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Les abysses himalayennes |
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Les Caraïbes et l'immense plage du Rio Grande |
Libre à nous d'imaginer de nouveaux mondes.
Précisions techniques
Pour calculer l'opposé des valeurs, j'ai simplement exécuté la ligne suivante sous GRASS avec la calculatrice
r.mapcalc :
r.mapcalc "etopo_opp=-etopo"
Voici la rampe de couleurs utilisée sous QGIS :
Et voilà !
Crédits
Platon issu de NounProject et réalisé par
Dabid J. Pascual
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